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Domaine de la Soye

La Soye, en patois gaumais se dit la "souïe" : la grande scie. On allait donc à la "souïerie" : à la scierie. Il est vraisemblable que la première usine qui fut établie dans ce lieu environné de bois et placé au confluent de trois ruisseaux ait été une scierie adjointe au moulin banal de Luz ou bâtie plus tard à la "place où autrefois devait être le moulin de Luz".

En 1538, Henri de VANCE y construisit un fourneau et une forge, avec l'autorisation du Gouvernement des Pays-Bas, moyennant une contribution annuelle de 8 florins d'or. Mais les moines d'Orval protestèrent en affirmant que le terrain et son cours d'eau étaient leur propriété et non celle du Prince (Charles Quint).
Pour éviter un procès, Henri de VANCE consentit à leur payer annuellement "quinze cents de fer cru" (1 cent = + 750 kg) vers la Saint Jean-Baptiste.

A sa mort, vers 1579, ses deux fils Jean et Henri, essayèrent en vain de s'en affranchir. De là, un procès qu'ils perdirent à Luxembourg en 1581. L'arrêt fut signifié à leur beau-père, Jean PONCELET, maître des forges à Saint-Léger, car ils étaient alors au service de sa Majesté "pour fait de guerre". Ils en appelèrent au Grand Conseil de Namur et échouèrent à nouveau (1583). Ils abandonnèrent alors définitivement les forges de La Soye.

En 1604, Maître Nicolas DAVID et son fils Claude reprirent successivement l'oeuvre commencée et la poussèrent avec ardeux aux mêmes conditions que son prédécesseur mais à charge de payer en outre 9 florins de 20 sous, chaque année à l'occasion de la Noël. L'étroite vallée de La Soye se transformait d'année en année. De vastes étangs superposés de distance en distance sur le cours du "Ruth de Limes" et de la Grosse Fontaine, ménageaient à l'usine des chutes d'eau considérables. Après le fourneau et la forge, on vit apparaître de petits fourneaux mobiles, la fonderie, la platinerie et la fenderie. Les bûcherons faisant échos aux mille bruits de la forge, mêlaient les coups de cognée au cliquetis étourdissant des marteaux et des maquas. Les charbonniers faisaient fumer leurs meules couvertes de gazon tandis que de nombreux voituriers chairriaient le charbon des "faudes", le minerai d'Halanzy, de Ruette et Differdange ou transportaient dans tous les sens les divers produits de l'établissement.

Ce mouvement industriel, qui était une source de bien-être et d'aisance pour la classe ouvrière de Gérouville et de Limes, avait aussi ranimé l'agriculture et le commerce local. Aussi, par décret du 05 juin 1577, le Roi Philippe II d'Espagne, sur l'avis du Conseil Provincial de Virton, Yvois, Marville et Montmedy, avait rétabli les foires et le marché hebdomadaire. Pendant cette période relativement calme et prospère, la population de Gérouville s'était accrue sensiblement.

En 1636, et pendant les années qui suivirent, le dus du Luxembourg fut envahi à plusieurs reprises par des armées étrangères (françaises et croates).

En 1636 même, Limes fut réduit en cendres et ses habitants émigrèrent à Gerouville. La peste sévit cette année partout, décimant les pauvres populations; durant 20 ans, le pays vécut l'état de siège; la famine fit périr bien des gens. En 1657, la ville de Montmédy ayant été prise d'assaut par Louis XIV, tous les villages de la Prévôté furent rançonnés sans merci. Le Traité des Pyrénées (1659) qui mit fin à la guerre attribua la prévôté à la France. Gerouville qui en faisait partie devint commune française tandis que Limes et les forges de la Soye, de la prévôté de Chiny, continuèrent à faire partie du Duché de Luxembourg espagnol ce qui fut à l'origine de la restauration de Limes.

Les forges, dont l'activité s'était quelque peu ralentie durant cetet période de troubles, sont arrentées par Monsieur Louis BONNEAU, maître des forges du Faing. Marié en 1656 avec Mademoiselle Anne Bienayse de Gerouville, il construisit en 1678 le château de La Soye. Son fils, Jean-Louis BONNEAU, uni à Mademoiselle de Mathelin, lui succède. Anobli le 29 juin 1701, Jean-Louis BONNEAU porta désormais le titres d'écuyer, Seigneur de Breux et maître des forges de La Soye. En 1706, il donne pour parrain à son fils Messire André de Soyer, écuyer, Seigneur de Gomery et maître des forges de Herserange-Berchiwez et pour marraine, sa femme, dame Charlotte de Mathelin. Il mourut en 1738 et fut inhumé en l'église de Gerouville.

L'industrie de La Soye avait attiré à Gerouville un grand nombre d'étrangers. Les employés de l'usine rivalisaient avec les nobles familles de Laistre, Le Dan, Bienayse, Suant, Bredimus, et Jacquesse, Seigneur en partie de Breux, pour édifier des maisons seigneuriales qui rompaient la monotonie des rues.
La véritable annexion de Gérouville à la France ne devint effective qu'en 1682 après que les autorités communales se furent exécutées et eurent juré foi et fidélité à Louis XIV.

En 1748, le traité d'Aix-la-Chapelle mit fin à la guerre entre la France et l'Autriche; il restait à régler les limites des états respectifs. En 1769, une convention fut conclue entre Marie-Thérèse d'Autriche et le Roi de France aux termes de laquelle Gérouville fut restitué aux Pays-Bas autrichiens.

En 1740, apparaît à La Soye le maître des forges, Nicolas Louis de la RAMEE, Seigneur d'Olisy, de Chauvency-la-Château et autres lieux. L'étroite vallée était débordante d'activité. Une chapelle fut érigée à l'intérieur du château et le curé de Gérouville y disait la messe chaque dimanche. Son fils, Jean-Nicolas de la Ramée lui succède. Il épouse Marie-Anne-Gabrielle du Faing, dame en partie du Ménil. Le mariage fut célébré par le Curé de Gérouville, Valérien CLAUDOT, le 08 février 1773, dans la chapelle castrale du château de La Soye.
En 1746, Nicolas COLLIGNON est maître des forges de La Soye.

Le 22 octobre 1787, M. de la Ramée passe un contrat de fourniture de fer avec M. de Jacquesse de Rozières, maître des forges à Grandvoir. Ce contrat est intéressant car il révèle que la fenderie de La Soye tratait du fer en barre provenant d'autres forges. Ce contrat porte sur une commande de 200.000 kg de fer en barre au prix de 124 florins 20 sous les 1.000 kg. De telles transactions n'étaient pas exceptionnelles et cadrent bien avec la description du pillage de La Soye par les révolutionnaires français.

Ce pillage est révélé dans la lettre suivante, véritable inventaire du stock de fer battu, au 11 mai 1794 :
"Le général de division Lebrun, au Président de la Convention Nationale, au quartier général à Yvoy, le 17 floréal, an 2 de la République une et indivisble.

Persuadé que dans une République, le pain et le fer sont des denrées de première nécessité, j'ai recueilli tant que j'ai pu les substances que l'ennemi a laissées à ma portée. J'espère bien aussi, dans quelques semaines, l'aider à récolter les superbes moissions qui se préparent.

Mais en attendant, je continue à emprunter dans les forges de l'Empire, de quoi fabriquer des baïonnettes. Ma dernière sortie avait produit à la République 500.000 de fer; dans une autre que j'ai faite le 12 floréal, tandis que j'inquiétais l'ennemi sur les hauteurs de Florenville et d'Izel, le citoyen Debaume, commandant temporaire de Montmedy, occupait avec un petit corps de troupes les hauteurs de Montquintin et de Gérouville et faisait évacuer sans bruit la forge de La Soye. Il en a tiré en trois jours et fait passer à Montmedy 157 voitures de fer battu, ce qui fait un peu plus de 300 milliers. Il en reste encore une assez grande quantité qui n'a pu être enlevée faute de voitures et à cause de la difficulté de la retirer d'une mare d'eau où on l'avait caché mais ce n'est que partie remise. Salut et fraternité ! "

En 1791, les forges sont toujours exploitées par la famille de la Ramée.
Après, les forges appartinrent successivement à François PERRIN de BRASSAC et à Louis-Xavier de ROUSSEAU-PRESSOLES.

Henriette COTTU, veuve de Martin-Félix PRESSOLES de Charleville reprend La Soye le 22 octobre 1801 et travaille activement pour la fabrication d'armes de Charleville. La forge consommait en 1801, 1.450.000 kg de charbon de bois et 125.000 kg de houille. Le minerai venait de Ruette, Halanzy et Differdange. Cette quantité de charbon de bois représente + ou - la croissance annuelle de 2.000 Ha de forêt. La prospérité liée aux guerres napoléoniennes cesa brusquement après la chute de l'empire. Sous la domination hollandaise, tout commerce est devenu impossible avec la France tant les frais de douane sont élevés. L'indépendance belge accroît encore les difficultés par la fermeture du marché hollandais. En 1839, le marché allemand est perdu à son tour. L'industrie métallurgique est en pleine révolution: la houille cokéfiée remplace le charbon de bois et la vapeur est la nouvelle source d'énergie. La métallurgie se déplace vers les centres de matières premières : les bassins houillers et les mines de fer. La loi fatale de la concurrence éteignit peu à peu les nombreux fourneaux du Luxembourg.

En 1847, Pierre SCHUSTER amodie à Jean-Joseph HENRI, notaire à Carignan, le site de La Soye pour un long bail, à charge pour lui de l'entretenir et de le transformer selon les besoins.

Les forges de la Soye succombèrent en 1858. Elles avaient jeté leur dernier éclat pendant la guerre de Crimée. Pierre SCHUSTER y coula sans relâche des quantités énormes de boulets pour l'armée française (1854/1856). Il y fondit également des taques en fonte ornées d'une croix de Saint-André à fuseaux pommés. Il remit en service l'ancienne scierie. Les chemins de fer prenant de l'essor, la fabrication de traverses fut prospère. Il prit cependant la précaution d'accrocher une seconde corde à son arc en créant un petit moulin actionné par la chute d'eau du ruisseau des Douzes Fontaines. Cette prévoyance fut sage car l'industrie des billes de chemin de fer devint moins productive en raison d'une concurrence mieux équipée. Vers 1860, il transféra son petit moulin dans les locaux de la scierie, où il disposa d'une chute d'eau plus importante : il y ajouta deux paires de meules. A la place de son petit moulin, il créa une boulangerie, une des premières du pays gaumais. Ce fut son épouse, Antoinette, née YUNGERS qui pétrit et cuisit le pain. Ensuite, il a installé une ferme dans les bâtiments de refendage du fer et de polissage des boulets. Il y abrita au moins six vaches, des porcs, de la volaille et six chevaux nécessaires au transport des farines et des issues. Egalement pour la livraison du pain que l'on conduisait, par exemple, jusqu'à Rossignol.

En 1871, après la guerre franco-allemande, le moulin connut un grand essor : les échanges commerciaux avec les moulins de Stenay furent très actifs.

Après 1890, avec le concours de ses fils et particulièrement Camille qui devint son successeur, les installations furent modernisées. L'ancienne roue à aubes fut remplacée par une autre plus puissante et plus perfectionnée : 4 paires de cylindres broyeurs furent ajoutés aux meules ainsi qu'une laveuse avec essoreuse, déclouteuse et dépierreuse, de même que des bluteuses plus modernes.
Le moulin ainsi équipé tourna bientôt nuit et jour. La production fut grande et sa consommation de blé importante.

Alors les chariots, qui quarante ans plus tôt transportaient encore le minerai de fer de Musson et de Halanzy vers les hauts-fourneaux, reprirent le chemin de la Soye par Saint-Mard et Meix, transportant le blé des régions agricoles de Musson et de Signeulx. La route du blé avait remplacé celle du fer.
Les circonstances économiques ayant de nouveau changé, la fenderie de La Soye fut abandonnée et devint définitivement muette. Toute indusrie y était éteinte en 1907 après que les SCHUSTER l'eurent amodiée pendant 60 ans.

En 1861, le domaine de La Soye était la propriété de M. GUICHARD. Il détruisit les forges et fit de La Soye une résidence de plaisance. Il embellit considérablement l'ancien château Bonneau et fit transformer la halle à charbon en écuries modèles. Celles-ci sont toujours visibles mains n'étant plus entretenues, sont tombées en ruines.

En 1881, La Soye fut cédé à Monsieur Prosper CRABBE, sénateur des arrondissements d'Arlon et de Virton. Sa fille Louise, Marie CRABBE épouse Monsieur Lucien NOTHOMB le 29/04/1892. Celui-ci embellit à son tour le domaine en y faisant creuser plusieurs étangs et en tentant d'établir sur le plateau Fournier un puits artésien de 260 m de profondeur (vers 1890). Il créa la brasserie et la pisciculture à la Platinerie.
En 1889, le Baron de POTESTA de Hermalle sous Huy acquit le domaine mais il le revendit bientôt : la brasserie à Monsieur HENTCHSKE, ingénieur d'originie allemande (1906) pour 100 000 Fr or (bâtiments, attelages, chevaux et bières en fabrication).

En 1909, Monsieur de POTESTA vend à Monsieur Philippe de BROUCHOVEN de BERGEYCK le reste du domaine (404 ha pour 470 000 Fr.). Celui-ci fit démonter le château en 1910, ayant décidé de le faire reconstruire à un endroit moins humide près du puits artésien. L'opération n'eut toutefois pas lieu et les matériaux furent vendus dans la contrée (notamment pour la construction de la maison de M. Victor ANTOINE.

En 1916, Monsieur Johan, Mathias de BERNUTH achète les 404 ha.

En 1921, Monsieur BERGH, notaire à Neufchâteau, acquit une partie du domaine (202 ha). Ses filles en devinrent propriétaires en 1946 : 
Madame ROUSSEL : 94 ha + les bâtiments et étangs
Madame RISCHARD : 126 ha

Lors de l'invasion en mai 1940, la fille de M. HENTSCHE, Justine, épouse Le HARDY, partit en exode et la brasserie fut pillée. Elle ne fut jamais restaurée. On y élaborait pourtant des bières renommées dans toute la contrée : double, bock, stout... ainsi que des limonades. On vantait également les vertus médicinales de l'eau du puits artésien qui y était mise en bouteille. Grâce à la chute d'eau sortant de l'étang de la Cascade, une turbine actionnait une installation électrique qui fournissait du courant continu aux villages de Limes et de Gérouville (de 1917 à + ou - 1935).

C'est en 1961 que La Soye connaît une nouvelle et dernière activité dans les anciens bâtiments de la brasserie. Monsieur Willy Le Hardy, revenant du Congo après l'indépendance de celui-ci et les évènements qui suivirent, élève près de 500 porcs ainsi que des volailles. Etant délégué du Boerenbond, il est appelé à Tirlemont en 1973 et cesse l'élevage. La brasserie sera reprise en 1990 par Monsieur BISSOT et subira d'importantes transformations et démolitions.

Madame ROUSSEL Mourut en 1976 mais avait mis en donation en 1959 sa part du domaine à ses deux filles : Mmes VIGNES et MERCIER.

Vers 2000, la partie de Madame RISCHARD devient propriété de Monsieur Patrick DAMS de Suxy et celle de la famille VIGNES fut vendues à Monsieur Guy MARECHAL d'Ansart.

La famille MERCIER est à l'heure actuelle toujours propriétaire des étangs, des bâtiments de la fenderie et a racheté le site de la brasserie.